Face au covid : la médecine traditionnelle africaine

Chère lectrice, cher lecteur,

La planète entière vit sous la menace du Covid-19 depuis bientôt deux ans.

Alors que les scientifiques et autres décideurs misent sur la vaccination dans la majorité des pays, la pandémie a incité les Africains à recourir à la médecine traditionnelle africaine dans un contexte plus scientifique.

De nombreuses initiatives de restitution du savoir, de valorisation des recherches ou de promotion de phytomédicaments (issus des médecines traditionnelles) ont récemment vu le jour.

Les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé vont dans ce sens en demandant aux pays en développement d’étudier leurs médecines traditionnelles et de promouvoir l’usage des plantes médicinales dans les pro­grammes de santé.

Une pharmacopée à valoriser

Un comité d’experts en médecine naturelle et traditionnelle vient de se créer.

Lors de leurs réunions et mini congrès, ils ont évoqué les avancées de leurs travaux très ambitieux, mais aussi les freins auxquels ils sont confrontés.

« À cause du faible accès à la vaccination en Afrique et des variants peu sensibles aux traitements actuels, nous avons tout intérêt à développer des médicaments à base de plantes sur notre continent, sachant que la majorité de nos populations recourt déjà à la médecine traditionnelle », a souligné le Pr Alain Tehindrazanarivelo, l’un des rapporteurs de cette réunion.

Toutes les équipes de recherche ont d’ailleurs insisté sur le potentiel de leur phar­macopée et l’urgence de la valoriser dans des traitements anti-Covid.

Un enthousiasme palpable chez cette quaran­taine de chercheurs issus de toute l’Afrique.

« L’OMS a élaboré des protocoles afin de confirmer la sécurité, l’efficacité et la qualité des médicaments à base de plantes anti-Covid. Elle a aussi surveillé l’avancement des essais cliniques en organisant des formations sur la contribution de la médecine traditionnelle pour répondre au Covid-19 avec des experts et des cher­cheurs », précise le Dr Ossy Kasilo, conseillère régionale chargée de la médecine traditionnelle pour l’OMS en Afrique.

La boisson anti-Covid prometteuse

En mars 2020, la campagne du pré­sident malgache, présentant la bois­son Covid Organics (CVO) à base d’Arte­misia comme un fabuleux remède anti-Covid, avait suscité les plus vives cri­tiques…

L’Organisation mondiale de la Santé est montée au créneau en mettant en garde contre un remède mal identifié.

Les experts malgaches ont persisté dans leur recherche et aujourd’hui leur remède CVO+ curatif issu de l’Artemisia annua (version amélio­rée du CVO) fait l’objet d’un essai clinique. Des extraits de cette plante (aux propriétés antivirales) sont dosés pour chaque capsule à 150 mg d’artémisinine, 3,3 mg d’extrait de flavonoïde, 4 mg d’extrait terpénique et 7,1 mg d’huile essentielle de Ravintsara.

L’essai en est à la phase 3, randomisé en double aveugle, comme l’impose le protocole.

Après deux semaines de traitement sur 338 patients atteints de Covid, les résultats indiquent que le CVO+ curatif est « efficace à 87,1% pour le traitement du Covid-19 de forme légère à modérée ».

C’est ainsi que cette expérimentation est officiellement encadrée par l’OMS, qui a envoyé ses experts sur place afin d’examiner ces données et d’émettre un avis scientifique indépendant.

Le produit est désormais envoyé et prescrit dans de nombreux pays africains.

Mon association les médecins aux pieds nus est bien implantée à Madagascar, c’est un pays qui s’enorgueillit de disposer d’une pharmacopée des plus riches d’Afrique.

Madagascar est devenue le pionnier dans les essais cliniques africains axés sur la médecine traditionnelle et ce n’est pas le seul pays afri­cain à mener de tels travaux.

Le Kenya, lui, attend des subventions pour débuter des essais standards.

2 traitements naturels autorisés

Les pharmacologues kenyans formulèrent deux produits de médecine traditionnelle autorisés spécifiquement pour traiter le Covid-19 :

  • L’Antivir-H, antiviral dont la composition est gardée secrète,
  • L’IMB, stimulant immunitaire contenant entre autres du moringa et de l’ail.

Administrés à cent patients contaminés, ce traitement en synergie aurait « amélioré très nettement les symptômes », selon le Pr Francis Ndemo.

Cette expérimentation va s’étendre à 1800 patients kenyans.

Quelle est la plante utilisée dans la formule IMB ?

Le moringa oléifera

En Afrique francophone, le nom généralement donné à cet arbuste est nébéday que l’on retrouve plus ou moins déformé et qui viendrait de l’expression anglaise never die,“qui ne meurt jamais”.

Les fruits et les feuilles utilisés en alimentation sont riches en vitamine C (220 mg pour 100 g).

Ils contiennent aussi de nombreux acides aminés (des protéines) surtout dans les feuilles.

Enfin trois substances antibiotiques ont été découvertes dans les racines : pterygospermine, athomine, spirochine dont les spectres antibactériens sont très larges.

Les graines, elles, consommées après séchage ont le goût des cacahuètes.

Mais surtout elles peuvent donner une huile intéressante, proche de l’huile d’olive, qui contient 70 % environ d’acide oléique.

En complément de ses vertus antibiotiques, le moringaoleifera possède également des propriétés purificatrices.

L’équipe du Pr Geoff Folkard, de l’université de Leicester (Grande-Bretagne), a mis au point un système d’épuration de l’eau qui utilise les principes actifs de la graine.

Broyées, les graines de moringa désinfectent l’eau boueuse d’une rivière ou d’un marigot, qui devient potable en une heure.

Un espoir pour les pays du tiers monde, qui pourraient cultiver cet arbre.

Le moringa a le triple avantage de pousser en terrain peu fertile, sans beaucoup de soins et d’être productif rapidement.

Outre ses graines, il offre des feuilles et des fleurs riches en protéines, en vitamines A et C, en calcium et en fer.

Chaque pays à son rythme

Si Madagascar et la Guinée équatoriale ter­minent leurs essais cliniques de phase 3 avec des résultats jugés encourageants, le Burkina Faso a conclu ses essais de phase 2 sur l’apivirine.

Ce phytomédicament béninois à base de Dichrostachys glomerata ou mimosa clochette« confirme une efficacité virologique avec une évolution positive au bout de trois semaines de traitement sur les patients souffrant d’une forme modérée à légère du Covid-19 », rapporte le Pr Sylvin Ouedraogo, directeur de recherche en pharmacologie.

Au Ghana, c’est la plante nibima (Cryptolepis sanguinolenta), utilisée dans la lutte contre le paludisme, qui est testée dans un essai de phase 2.

L’OMS met aussi en avant le Ghana où, depuis 2021, une cinquantaine d’hôpitaux travaillent avec des phytothérapeutes issus de l’université.

Big Pharma veille au grain !

Autre frein très remarqué et surprenant : le scepti­cisme des médecins conventionnels. « J’ai dû supplier mes confrères cliniciens pour qu’ils acceptent de donner à leurs patients nos produits stimulants immunitaires et antiviraux », déplore Francis Ndemo.

Ce docteur en phar­macie kenyan espère passer bientôt aux essais cliniques après la vaste étude d’observation qu’il mène actuellement.

Pour autant, la médecine traditionnelle commence à être intégrée au système de santé publique dans une majorité de pays.

C’est le cas de la Tanzanie où, « les tradipraticiens ont été impliqués avec les médecins pour élaborer des médicaments et vingt de ces remèdes sont autori­sés officiellement contre le Covid-19 », rapporte le Pr Hamisi Malebo, du Conseil tanzanien pour la médecine traditionnelle.

Les tradipraticiens africains : plus précieux que jamais

Le Mozambique est l’un des pays les plus pauvres du continent africain.

Avec un médecin pour 25 000 habitants, on comprend que la plupart des gens se tournent surtout vers les guérisseurs ou tradipraticiens.

Face au Covid-19, les autorités ont donc décidé d’intégrer pleinement la médecine traditionnelle au système de santé publique en couplant la prise de cures préventives : des sirops à base d’ail, oignon et gingembre ainsi que des tisanes de feuilles de mélisse, manguier et mûrier.

L’université de Maputo et le ministère de la Santé local ont aussi développé ensemble un nouveau complément alimentaire : l’Ekume qui contient des farines de banane verte, sorgho, maïs et mil ainsi que de l’arachide.

Un mélange ultra-protéiné destiné à « hâter la guérison des malades du Covid-19 en complément d’autres traitements », selon la Direction de la pharmacie du Mozambique.

La recherche privilégie les plantes anti-inflammatoires et anti-infectieuses.

  • Azadirachta indica (Neem)

Cette plante est originaire des Indes. Un extrait alcoolique de feuilles et d’écorces de tronc a montré une activité anti-inflammatoire et antipyrétique.

Faire bouillir 30 grammes de feuilles dans un litre d’eau pendant une demi-heure. Boire un demi-litre par jour.

  • Crossopterix febrifuga

Les indications traditionnelles sont la fièvre, la toux, les affections bronchiques grâce aux écorces du tronc et aux racines.

Un brevet déposé en Italie (FORESTA) décrit deux produits : les crossoptines A et B ainsi que les saponosides.

Ces deux substances possèdent des propriétés anti-inflammatoires, analgésiques et mucolytiques correspondant aux indications de la grippe, du Coronavirus et des bronchites.

  • Guiera senegalensis (ou Nger en Wolof)

Le Nger est considéré comme la première plante du Sénégal si l’on considère son emploi généralisé et ses nombreuses indications.

Il est utilisé principalement comme calmant de la toux et comme fébrifuge.

Ce sont les feuilles qui sont généralement prescrites sous forme de décoction.

Un sirop antitussif, préparé à partir des feuilles, a montré son efficacité lors d’une étude clinique menée chez des enfants de 6 mois à 6 ans. L’action antitussive s’est révélée excellente dans 98% des cas.

Faire bouillir pendant une demi-heure 50 grammes de feuilles de Nger dans 500 ml d’eau.

Filtrer et sucrer à volonté.

Boire par cuillères à soupe pour les adultes, à café pour les enfants.

Il est clair que la recherche africaine met beaucoup d’énergie à valoriser sa pharmacopée dans le contexte actuel du Covid, il faut espé­rer qu’elle puisse garder ce cap.

Le respect des normes interna­tionales occidentales place la barre très haut, et il n’est pas certain que cet objectif soit compa­tible avec les moyens dont disposent un bon nombre d’États africains.

Mais on peut rester optimiste, les premiers résultats officiels sont annoncés pour fin 2022.

*

*          *

Chez les peuples traditionnels, la médecine fait partie intégrante de la culture ; elle est globale et intuitive, contrairement à notre conception fragmentée de la santé, inadaptée, parfois même inefficace.

N’aurions-nous pas intérêt à observer, assimiler la médecine ancestrale ?

Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que les huiles essentielles représentent, dans certains pays africains, la grosse artillerie antivirale. Mes lettres et blogs sont lus et échangés dans les pays francophones.

  • En premier lieu au Gabon où j’ai été le dernier assistant du docteur Albert Schweitzer à Lambaréné, ensuite médecin-chef sur le transgabonais.
  • Au Rwanda où j’ai eu l’occasion d’enrayer une pathologie cutanée très handicapante et inaccessible à la médecine allopathique grâce à l’utilisation de l’huile essentielle d’eucalyptus radié. Mes anciens infirmiers se souviennent de cet épisode.
  • Et à Madagascar avec la présence de l’association « les médecins aux pieds nus ».

Ce manuel est disponible au bureau des « médecins aux pieds nus », 9 Rue du Général Beuret 75015 Paris, au prix de 10 euros + 5 euros frais d’envoi, ainsi qu’en ligne (Fnac, etc.).

À bientôt

Jean-Pierre Willem

One thought on “Face au covid : la médecine traditionnelle africaine

  1. Bonjour
    A t on la possibilité de trouver tout ces produits en France, en l’occurrence artemisia, antivir h, IMB ? Je suis fan de la médecine naturelle Merci
    Cordialement

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