Robert Francis Prevost, très apprécié par François, a été élu 267° pape après seulement quatre tours de scrutin.
C’est la première fois qu’un souverain pontife est originaire d’Amérique du Nord.
Le cérémonial est immuable. La fumée blanche, les fenêtres de la loggia dont les battants tardent à s’ouvrir, le cardinal protodiacre – le plus ancien des cardinaux diacres – qui déclare « Habemus Papam » et enfin le nom du nouvel évêque de Rome. Et pourtant, chaque élection est une surprise qui déjoue tous les pronostics. On prédisait un Italien pour succéder à François, une forme de retour à la tradition après trois papes choisis à l’extérieur de la Botte italienne.
Finalement, les 133 votants offrent de nouveau aux catholiques un Américain, du Nord cette fois mais qui connait très bien la rive sud du continent.
Au-delà du chef des quelque 1,4 milliard de fidèles dans le monde, c’est le dirigeant d’un Etat qui vient de prendre ses fonctions. On a vu lors de l’enterrement de François à quel point le Vatican conservait sa charge symbolique et diplomatique.
En choisissant le nom de Léon XIV, successeur de Léon XIII, Robert Francis Prevost donne un signal sur son pontificat naissant. Son illustre prédécesseur justifiait l’intervention de l’Église dans le champ social, se préoccupant des classes ouvrières.
Le président Donald Trump a salué l’arrivée d’un compatriote sur le siège de Pierre, un Américain qui lui ressemble fort peu. Un autre visage des États-Unis !
Le premier pape venu des Etats-Unis
« Habemus papam », lance le cardinal français Dominique Mamberti, chargé de l’annonce tant attendue depuis la mort de François, le lundi de Pâques. Au balcon de la basilique, le rideau rouge s’ouvre sur Léon XIV, Robert Francis Prevost, 69 ans, nouveau locataire du trône de Saint-Pierre. Le premier souverain pontife venu des Etats-Unis. La déception pour ces Italiens qui voyaient Pietro Parolin, l’ex-numéro deux du Saint-Siège déjà élu, ou ces Français qui croyaient fort en Jean-Marc Aveline, le « papabile » bleu-blanc-rouge.
Comme la plupart du temps dans l’histoire des conclaves, les pronostics n’ont servi à rien, c’est un autre homme qui est sorti du « galero » (le chapeau) des cardinaux.
Si la surprise est de taille, un pape américain, c’est aussi le signe de la liberté de l’Église catholique, notamment face aux Etats-Unis, d’oser aller chercher un « inconnu », les 133 cardinaux ayant discerné qu’il était l’homme de la situation. L’argument qui invalidait, ces derniers jours, le fait que ce religieux augustinien puisse être élu pape, était précisément qu’il était né aux Etats-Unis. Ce cardinal, devenu pape sans l’avoir véritablement imaginé, va incarner désormais toute l’Église catholique.
C’est ainsi la grande leçon de ce conclave 2025 : par ce choix, l’Église démontre sa capacité de renouvellement. Ce n’est pas un pas de côté mais un acte prophétique dans son esprit, qu’elle considère comme inspiré par « plus haut » que ses propres calculs, ses dissensions, ses programmes tout prêts.
« Merci au pape François. », lance alors Leon XIV de l’allogia. Succès assuré, vu l’affection pour le défunt.
« Viva il papa ! », lui répond la foule. Le nouveau pape marque un temps d’arrêt, semble prendre conscience de ce qui lui arrive.
« Paix », « mission », « synodalité », « ensemble » : tels ont été les mots saillants de la première prise de parole du pape Léon XIV – les larmes perlaient au bord de ses yeux – et son sourire spontané, mais aussi par ses paroles simples, chaleureuses et pleines de foi.
Par ses premières paroles et le choix de son nom, Léon XIV a nettement signifié qu’il ne marquerait pas une rupture avec le pape François, qu’il a longuement évoqué et remercié. « Je vous donne un salut de paix », a-t-il lancé à la foule réunie sur la place, qui scandait son nom et des “Viva il papa” ! « À toutes les personnes, où qu’elles soient, à tous les peuples, à toute la terre : que la paix soit avec vous ! Voici la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée, une paix désarmante… Elle provient de Dieu, qui nous aime tous, et de manière inconditionnelle. (…) Dieu aime tout le monde. Le mal ne prévaudra pas. Nous sommes tous dans les mains de Dieu. (…) Sans peur, tous unis, main dans la main, avec Dieu, allons de l’avant : nous sommes des disciples du Christ, le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de lui pour être le pont qui permet d’atteindre Dieu. »
Avant d’ajouter : « Je veux également remercier tous mes confrères cardinaux qui m’ont choisi pour être le successeur de Pierre et marcher ensemble avec vous comme Église unie, en recherchant toujours la paix, la justice, à toujours travailler comme des hommes et des femmes fidèles à Jésus-Christ, sans peur, pour proclamer l’évangile, pour être missionnaires. Je suis un fils de saint Augustin, qui a dit : “Avec vous je suis chrétien, pour vous je suis évêque.” En ce sens, nous pouvons tous marcher ensemble vers cette patrie que Dieu nous a préparée. (…) Nous voulons être une Église synodale, une Église qui marche, qui cherche toujours la paix, qui cherche toujours la charité, qui cherche toujours à être proche de tous ceux qui souffrent. »
Un discours mêlant des influences de François – pour la synodalité, la fibre sociale et l’ouverture -, de Benoît XVI pour la dimension spirituelle d’emblée très affirmée, et de Jean Paul II pour le souffle missionnaire et la répétition des mots « sans peur », comment en écho au « N’ayez pas peur » du pape polonais.
Il y a du Jean-Paul II dans cet homme qui insiste sur une Église missionnaire, qui regarde loin. Ce premier pape américain est aussi le pape des Amériques et du monde entier désormais, d’où le pressant appel à la paix qu’il a formulé dans sa première intervention citée plus haut.
Saint Augustin rappelait que la vie de l’Église a toujours été un combat puisque « deux amours ont fait deux cités, l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi a fait la cité céleste ».
Citadelle assiégée depuis que le « vicaire du Christ » y a établi le trône de Pierre, l’Eglise catholique a affronté bien des tempêtes qu’elle a toujours surmontées. Rome est toujours revenue dans Rome.
Qui est-il ? Ou plutôt que sera-t-il ?
Qui est Léon XIV, que les cardinaux viennent d’élire à la succession de François ? Et quel pape sera-t-il ?
Chaque pape a sa propre personnalité, mais s’inscrit aussi dans une longue lignée qui l’oblige. Selon son tempérament, son pontificat va se partager entre intuitions personnelles et mise en valeur de l’héritage spirituel et pastoral reçu.
D’abord, ce prélat américain au profil discret saura spontanément porter son regard au-delà de Rome ; il fut évêque de Chiclayo (Pérou) et sa mission est de conduire une Eglise dont le centre de gravité est désormais dans le « Sud globaln» (Asie, Afrique, Amérique du Sud). Léon XIV a aujourd’hui le monde pour diocèse.
Ce missionnaire perpétuera aisément la tradition des voyages, qui sont un signe tangible du dynamisme d’un pontificat.
Comme le long règne de Jean-Paul II, celui de François fut riche. Le nouveau pontife, à sa manière, visiblement plus sobre, devra prolonger l’élan impulsé. Le travail est immense. Avec les encycliques Laudato si’ et Fratelli tutti, avec ses propos déterminés sur le respect de la vie, François a conforté l’Église dans la promotion et la défense de la Création aussi bien que de ceux qui l’habitent.
Par ailleurs, après des initiatives lancées par François sur des sujets sensibles (divorcés, couples homosexuels), il reviendra à ce « fils de saint Augustin » de rappeler et de préciser la doctrine et ses applications. Soucieux de vérité, les prêtres et les fidèles demandent de la clarté.
À cet égard, l’unité de l’Eglise, qui n’a pas à être uniforme, sera, sinon à restaurer, du moins à préserver. Après le style de François, ses déclarations chocs, à quoi il faut ajouter l’air du temps rythmé par les réseaux sociaux, Léon XIV, apprécié pour son sens de l’écoute, s’emploiera à rassembler le troupeau.
Plus difficile : le bilan des réformes entreprises par son prédécesseur. Il faudra en parachever certaines, quitte à en amender. Par exemple, la réorganisation de la curie en cours. Mais, pour le mener à bien, il devra, au plus vite, s’extraire de la machinerie vaticane.
Pasteur ou administrateur ? Homme timide plutôt que meneur charismatique ? Quelles relations avec Donald Trump et J.D. Vance ? Léon XIV va se révéler ; nolens volens, il est depuis quelques heures détenteur d’un magistère symbolique mais immense, fait de foi, de sagesse et d’espérance, et mis au service de toute l’humanité.
PACE, la paix
Par 3 fois le Saint-Père a insisté sur ce besoin de paix dans un contexte de 3e guerre mondiale et aujourd’hui sur la persécution des chrétiens à travers le monde islamiste.
La communauté chrétienne est la plus persécutée à travers le monde. Cette réalité, largement documentée par l’ONG Portes ouvertes, fait l’objet d’un rapport annuel détaillant la persécution dans une centaine de pays. Selon la dernière édition 2023 de cet index, plus de 365 millions de chrétiens subissent des persécutions ou discriminations graves dans 78 pays, soit un chrétien sur sept dans le monde. Chaque jour, elles font en moyenne treize morts.
Par ailleurs, près de 15 000 églises ont été attaquées ou fermées l’an dernier, avec des foyers particulièrement préoccupants. En Inde, dans l’État du Manipur, plusieurs centaines d’églises ont été incendiées lors d’émeutes violentes. En Algérie, sous la pression des autorités, 40 églises protestantes ont été fermées depuis 2017. Rien qu’en 2022, une vingtaine de chrétiens ont été condamnés à des peines de prison pour prosélytisme ou participation à des cérémonies religieuses non autorisées.
Malheureusement, les tendances actuelles n’incitent guère à l’optimisme. Portes ouvertes alerte sur une hausse continue de l’indice de persécution, accentuée par la prolifération des groupes islamistes au-delà du monde arabe. Les attaques mortelles se multiplient en Afrique subsaharienne, du Burkina Faso à l’Éthiopie en passant par la République démocratique du Congo, jadis relativement épargnée.
Le nouveau Saint Père a « du pain sur la planche ».
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La crise actuelle de l’Église nourrit une querelle autant doctrinale que disciplinaire. Les débats portant sur la vision de la famille, les restrictions de la liturgie traditionnelle, la bénédiction des couples homosexuels font peser un risque de sécession des Eglises américaine et africaine.
Les spéculations sur le futur pontife, annoncé comme le dernier par Malachie au XIIe siècle, menaceraient-elles l’avenir de l’Église ? L’aspiration commune à l’unicité de la tunique du Christ a préservé la papauté de toute discontinuité. Instruite de cette expérience et confiante dans la vertu d’espérance, l’Église sait qu’elle a l’éternité pour elle, un temps suffisant pour continuer d’éclairer le monde.
Viva el papa ! La vaste communauté catholique a sorti le chapelet et prié pour la réussite de votre belle mission.
